Les Mompreneurs, deux ans après

Il y a deux ans, Ecotidien interviewait quelques femmes, les premières de France à revendiquer l’appellation « mompreneurs ». Depuis, c’est devenu un véritable phénomène de société et les médias leur consacrent de plus en plus de reportages : que sont-elles devenues ?

Le Revenu Minimum d’Insertion fait débat depuis son instauration en 1988. A tel point que se met en place aujourd’hui le RSA, Revenu de Solidarité Active. Le problème ? Le sentiment pour les non-Rmistes d’entretenir des personnes sans rien attendre d’elles en retour. L’idée se propage même qu’il deviendrait intéressant d’être au RMI (entre 400 et 900 Euros par mois) plutôt que de travailler… Alain, RMIste, a accepté d’ouvrir ses comptes à Ecotidien. Il veut rappeler que le Rmi à été mis en place pour répondre à l’exclusion croissante de personnes ne bénéficiant d’absolument aucune ressource. Si aujourd’hui la polémique fait rage, « Il ne faudrait pas imaginer que toucher le Rmi revient à gagner au loto. » dit-il.

À 38 ans, Alain se retrouve bloqué dans un petit village du Sud de la France suite à une séparation : il souhaite rester près de sa fille afin de pouvoir continuer à l’élever un minimum. Malheureusement après une succession de contrats précaires il s’est retrouvé au chômage, puis au RMI. « Je touche normalement 454 euros d’allocations. Avec le forfait d’aide au logement je monte à 600 euros. Avec ça je dois payer mon loyer qui s’élève à 300 euros. Il me reste la même somme pour payer la nourriture, l’électricité, le gaz… C’est presque impossible! Alors je mange souvent des pâtes. Je fais quelques écarts un week-end sur deux lorsque ma fille vient à la maison. » Pour lui, tout est question d’économie. Le chauffage qu’il ne branche que lorsqu’il n’est pas seul, le téléphone, qu’il recharge le moins souvent possible… « En étant au Rmi on ne peut quasiment jamais s’octroyer de petits plaisirs ! »

Le statut de RMIste ouvre certains droits tels que la CMU, la couverture maladie universelle. « Lorsque je suis malade, je ne paie rien. Tout est pris en charge par la CMU et la CMUC qui est une complémentaire santé gratuite, une sorte de mutuelle. A vrai dire j’ai du tomber malade une fois en un an depuis que je suis RMIste. » Ange Santenard travaille dans un centre d’insertion et est également journaliste spécialiste des thèmes de l’exclusion. Il explique : « En région parisienne les personnes au RMI ont accès à la « carte solidarité transport », qui permet une réduction de 75% sur le prix de la carte orange. Le souci en province, c’est que sans voiture vous êtes mort. » Alain confirme : j’habite dans un village assez petit, d’où la faiblesse de mon loyer, mais si je veux du boulot, je dois me rendre en ville à 15 km. Sans voiture c’est impossible! »

Les avantages s’arrêtent là pour une personne seule au RMI. Alors, régulièrement, Alain se rend à la mairie. « L’assistante sociale me connait bien. Elle me débloque parfois des colis alimentaires. Pour mes problèmes de loyer, nous sommes en train d’essayer de débloquer une aide qui me permettrait de ne pas aggraver ma dette. » Alain a souvent travaillé en faisant fonction d’éducateur, mais il n’a jamais été diplômé dans ce secteur. Aujourd’hui, il se retrouve de l’autre côté de la barrière. « C’est troublant d’avoir à demander de l’aide. Au début je m’y suis refusé, et puis je n’ai plus réussi à assurer les dépenses essentielles. Quand j’ai passé la porte de l’assistante sociale avec mes papiers du RMI dans ma pochette, je me suis senti très mal. »

Finalement il survit. Mais personne ne peut se contenter de ça. « Heureusement que de temps en temps mes parents m’aident. Mais j’aimerais pouvoir faire d’autres cadeaux à ma fille, pouvoir l’emmener en vacances, j’aimerais ne pas avoir peur de l’imprévu en permanence. Par exemple, si ma voiture me lâchait, là je ne saurais plus quoi faire! » Alain explique les implications sociales de sa vie au RMI: « C’est pas évident de rencontrer des gens. S’il faut aller boire un verre dehors, j’y réfléchis à deux fois. Je ne parle même pas d’aller au restaurant ! J’ai rencontré deux personnes sympas dans le village, elles sont toutes les deux dans la même situation que moi ! » Alain préfère en rire et il espère trouver du travail le plus vite possible. Il envoie tous les jours des candidatures.

Alain n’est pas un cas isolé : en France, 1,13 millions de foyers perçoivent cette allocation, sans laquelle ils n’auraient aucun revenu et descendraient rapidement toutes les marches qui mènent à la rue. « Même avec le RMI, on retrouve beaucoup d’allocataires dans les foyers d’hébergement » constate Ange Santenard. Alors, même si une poignée abuse du système en profitant de cette maigre allocation indument, pour une immense majorité, c’est la seule solution pour garder une vie décente. Alain tient à apporter une dernière précision : Il a touché une prime de Noël en décembre dernier, de 152,45 euros. Avec, il a pu combler une petite partie de son découvert.

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