Des grands-parents à louer ?

Alors que certains s'apprêtent à fêter leurs grands-mères, d'autres choisissent leurs grands-parents de coeur sur un site de rencontre intergénérationnelle...

Il y a tout juste 1 an, Mathieu était riche. Célibataire, sans diplôme et sans expérience, il avait accepté en 2004 une proposition en or : s’expatrier en Irlande où, pour un peu plus de 3 000 € par mois, il occuperait un emploi de cariste. Au programme : trajet pour se rendre au travail en taxi tous les matins, déjeuners dehors, soirées au pub et week-end au casino avec ses amis expatriés. Mais voilà, après 3 ans de ce régime-là, Mathieu a rejoint sa petite amie enceinte en France. Et bien évidemment, quitté son emploi de rêve.

« Etre expatrié, c’est comme être dans une bulle hors du temps. Pendant quelques années, vous vivez au jour le jour, surtout quand vous êtes célibataire comme je l’étais. » Sans réelle contrainte financière autre que le loyer de son meublé (700 € pour lui et 700 € pour son colocataire) et avec 2 300 € de budget mensuel pour ses sorties, Mathieu a un peu perdu le fil de la gestion d’un budget.

Au retour, premier contact avec la réalité française : l’administration. En tant qu’expatrié, même après une démission, il est possible de s’inscrire à l’Anpe et de toucher des allocations chômage sous certaines conditions, entre autres, avoir cotisé un temps donné en France. « Mais il me manquait toujours un formulaire ! J’ai même du faire un aller-retour en Irlande juste pour aller chercher un document officiel qui bloquait tout paiement par les Assedic ». En attendant la résolution du problème, Mathieu a dû faire des petites missions d’intérim pour quelques dizaines d’euros : vendeur chez Décathlon, assembleur de meubles, livreur…  pour le reste, sa compagne a pris à sa charge les dépenses communes.

Ce problème d’Assedic enfin résolu, Mathieu touchera 1 200 € nets par mois pendant un peu plus d’un an. De quoi voir venir et se consacrer à une formation qualifiante, pour trouver un emploi rémunéré à l’issue, dans sa région. « Ma fiancée est fonctionnaire, impossible pour elle de démissionner ou de se faire muter pour l’instant. Or, le coin ne regorge pas d’offres d’emploi. »

Sa fiancée et lui divisent tout par deux : un loyer de 550 € pour un F3 de 70 m² avec jardin privatif, la crèche collective à 320 €, et des factures (EDF, Internet, téléphones) pour 150 € par mois. Il a donc un peu plus de 500i€ de charges fixes mensuelles. Très prévoyant, Mathieu a également une assurance civile, un compte d’épargne pour lui, un pour son fils  et une assurance vie au profit de sa compagne. « Je paye 60 € par an et, en cas d’invalidité ou de décès, elle touche 60 000 € : une super sécurité, je le recommande à tous », dit-il.

Il lui reste donc environ 700 € pour le reste. Toute la petite famille dépense en moyenne 300 € de courses alimentaires par mois. « Nous achetons les pâtes, les couches et le lait premier prix, la viande par lots, mangeons très peu de poisson. Une fois par mois, nous nous offrons un bon restaurant à deux, mais globalement, on fait attention. Peu de sorties avec nos amis, qui viennent plutôt chez nous pour des barbecues, et pas de dépenses frivoles. » On est bien loin des week-end au casino !

Pour ses trajets, adieu le taxi, Mathieu profite du vélo : « 35 kilomètres aller, 35 kilomètres retour, ça muscle les mollets ! », qui lui a couté 75 €. Lui et sa fiancée ont réussi leur code de la route simultanément, aussi envisagent-ils l’achat  d’une petite voiture d’occasion dès qu’ils auront leur permis. « On pourrait y consacrer 4i000 €, et nous avons déjà un garage avec notre appartement. »  Sa compagne s’étonne des progrès en gestion de budget faits par Mathieu : « à son retour, il a acheté un lot de couteaux à 150 €, a invité ses amis dans un super restaurant et m’a offert une coiffeuse pour la chambre. Il n’avait aucune notion de l’aspect “ilimitéi” de l’argent, il était trop habitué à dépenser sans compter. »

Comme lui, avec la crise économique, de nombreux traders Français en poste à Londres ont du rentrer en France et prendre un emploi d’équipier en fast-food pour rouvrir leurs droits aux allocations chômage. Car si tout est fait pour faciliter le départ des expatriés, leur retour est une autre affaire.  Un « dialogue de sourds entre les deux pays », selon Mathieu. Et même si quelques associations se consacrent à l’aide au retour, il reste difficile de louer un appartement du jour pour le lendemain sans emploi. « Le retour se prépare dès le moment du départ ! », conseille Mathieu.

Peu à peu, Mathieu s’est donc habitué à la vie française. Mais lui et sa fiancée ont un projet lucratif : d’ici à deux ans, elle fera une demande de mutation… à l’étranger. Expat un jour, expat toujours !

Marlène Schiappa

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