Je suis pauvre… et je paie l’ISF !

Une situation ubuesque dans laquelle se retrouvent du jour au lendemain des contribuables ayant touché un héritage. Témoignage, par Chaker Nouri

C’est le grand débat du moment : faut-il ou non supprimer l’impôt des riches. Le gouvernement hésite ! Et pour cause. Les recettes de l’impôt sur la fortune devrait rapporter cette année 360 millions d’euros de plus que prévu qu’en 2010. Une manne financière provenant tout droit des gros patrimoines de l’hexagone, mais pas seulement…

Ils sont retraités, ouvriers, employés, agriculteurs et leur revenu annuel ne dépasse guère les 20 000 euros annuels. Habitués des magasins hard discount, leur compte courant est souvent à découvert. Comme moyen de paiement, ils optent pour une carte bancaire grand public. Ils ne fréquentent pas les soirées mondaines ou la place Vendôme, n’organisent pas de rallye pour leurs têtes blondes… et pourtant ils font partie du club très fermé des assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune.

« A mon grand regret, on imagine que les contribuables assujettis à l’ISF roulent sur l’or », lance René, un ancien ouvrier du BTP. « Je perçois 1 400 euros par mois seulement et je vis seul. Je suis propriétaire d’un appartement à Saint-Denis et je n’ai pas terminé de rembourser mon crédit. J’ai certes hérité de mes parents une maison dans le Sud de la France estimé à 3 millions d’euros, mais je ne suis pas seul sur le bien ; mon frère en possède la moitié. » Un copropriétaire encombrant car réfractaire à la vente du bijou de famille.

Résultat : René doit s’acquitter de l’ISF. Avec un appartement dionysien en pleine propriété évalué à 300 000 euros* et une résidence secondaire en indivision estimé à 1,5 million d’euros, le retraité dépasse largement le montant minimum fixé par l’administration fiscale : « Lorsqu’un patrimoine excède la somme de 790 000 euros, le contribuable est soumis à l’ISF », affirme Jean-Luc Marchal, avocat fiscaliste.

Mais en 2011, les choses  vont changer… Le barème de l’ISF s’appliquera au patrimoine supérieur à 800 000 euros. Une modification sans conséquence pour René : il devra toujours débourser la somme… de 5 805 euros. Seule solution pour réduire cette ardoise fiscale : Profiter des niches fiscales. Encore faut-il posséder l’argent nécessaire.

« Il existe sur le marché financier et immobilier des solutions de défiscalisation pour réduire son ISF. Le contribuable investit par exemple sur un fond d’investissement PME. Il peut dès lors déduire jusqu’à 50 % du montant versé. Seul petit bémol, les officines financières exigent un ticket d’entrée élevé. Un frein pour ceux qui n’ont pas d’épargne liquide », analyse l’avocat fiscaliste.

Une difficulté rencontrée par des dizaines de petits contribuables. Du jour au lendemain ils se retrouvent avec un patrimoine immobilier lors d’un héritage. Tout comme René, ces nouveaux riches vivent dans une situation financière délicate : revenu faible, très peu d’épargne liquide… mais un actif immobilier de plus en plus important soutenu entre autres par un prix du mètre carré qui ne cesse d’augmenter depuis plus de dix ans.

« Le conseil est de rééquilibrer son patrimoine. Céder une partie de ses biens et réinvestir sur des placements défiscalisés, faire des donations à ses ayants-droits, effectuer un démembrement de propriété… Pour réduire son impôt sur la fortune », conseille Jean-Louis Comain, conseiller en gestion de patrimoine. En attendant la décision du gouvernement sur la suppression ou non de l’impôt de solidarité sur la fortune, des contribuables sont dans un situation paradoxale : pauvre et riche à la fois…

Chaker Nouri

* La loi prévoit une décote de 30% sur la résidence principale.

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