Elles ont 20 ans, sont de classe moyenne ou populaire, vivent chez leurs parents. Et dépensent l’équivalent de votre salaire mensuel en vêtements ! Widad a enquêté sur ces mini-accros au shopping.
Vous les croisez dans le métro, arborant un sac Lancel à 780 €, des chaussures Prada à 450 €, et tous les accessoires haute-couture imaginables. Et quand on les voit passer, dans notre robe H&M achetée en soldes, 19 € 90, on les déteste, on les jalouse et on se rassure comme on peut : on se dit que ça ne peut être que de la contrefaçon.
Eh, bien ! non, ces Rebecca Bloomwood (personnage du livre et du film Les Confessions d’une accro du shopping) en herbe existent bien, et pour rien au monde, elles ne porteraient des imitations ! Elles ne sont pas pour autant financièrement aisées, mais consacrent 80 % de leur budget à leurs petites (grandes) emplettes. La crise économique ? Restons polis s’il vous plait ! Tout ce qui touche les finances de près ou de loin est le cadet de leurs soucis, quant à leur pouvoir d’achat, il est bien au dessus de la moyenne. Mais comment des jeunes en situation professionnelle précaire peuvent s’offrir des produits haut de gamme alors que 22 % des jeunes de moins de 26 ans sont au chômage, et 5 % des surendettés ont moins de 25 ans ?
Sabrina, 22 ans, n’a pas encore le salaire d’un smicard, mais a déjà les gouts de luxe de Carrie Bradshaw. « Je suis en alternance, je ne gagne pas énormément (80 % du smic) mais je dois avouer que je ne rate pas une occasion de me faire plaisir, jusqu’à ce que ma carte bleue me dise non ! Je me dis que je suis jeune, pour l’instant, je n’ai rien à payer puisque je vis chez mes parents alors en attendant, je ne me prive de rien » son dernier achat de plusieurs centaines d’euros (735 pour être précis), un magnifique sac de créateur qui hante mes nuits depuis que je l’ai croisé place de l’Opéra. Si j’avais succombé à son charme, j’aurais dû mettre de côté l’équivalent de 2 ans de factures de téléphone mobile !
Mais pour Sabrina, pas de problème, elle se serrera la ceinture en attendant la paye du mois suivant, En attendant, elle peut profiter de son sac le cœur léger puisque, comme bon nombre de jeunes qui vivent chez leurs parents, elle n’a pas de réelle responsabilité financière. Pas de loyer, pas de charges, pas d’impôts, pas de courses… en somme que du bonheur et 800 € ‘’d’argent de poche’’ par mois à la clé.
Julie, étudiante sans aucun revenu fixe, ne se pose pas non plus de questions sur le pouvoir d’achat. Alors, elle achète sans compter, et surtout sans jamais vérifier s’il lui reste de l’argent sur son compte. « J’avoue que je ne regardais que très rarement mon relevé de compte, en fait, j'avais peur de voir les dépassements que j’avais pu faire dans le mois. Seulement une fois, je suis partie trop loin dans l’excès, j’étais à 1500 €. Après plusieurs semaines d’agios, mon père a comblé le tout ! »
Ce phénomène touche plus particulièrement les filles, ceci dit les garçons ne sont pas en reste. Mehdi a 26 ans, il travaille dans une boutique de luxe et vit encore chez ses parents. En attendant de prendre son envol, il se ruine en shopping. Hugo Boss, Cerruti ou encore Prada n’ont aucun secret pour lui. Mehdi fait de son élégance une priorité. « Je suis conscient d’abuser par moments, mais j’ai du mal à dire non à un bon vendeur. Alors, je me retrouve parfois avec des produits dont j’ignore totalement l’utilité, comme la dernière fois chez le coiffeur, quand la coiffeuse m’a vendu un coffret Kerastase à 120 € pour les cheveux abîmés. J’ai les cheveux super courts, je n'ai pas vraiment besoin de leur mettre du lait réparateur, mais bon, je me suis dit pourquoi pas. » Impensable pour lui de prendre son indépendance aujourd’hui : un loyer parisien, pour une petite surface, tourne autour de 700 €. Ce qui correspond à son budget, accessoires…
Quand on vit dans l’opulence, il est compréhensible de ne pas avoir de réelle valeur de l’argent, mais ces jeunes sont loin d’avoir grandi dans l’abondance. Il s’agit uniquement de jeunes issus de classes populaires ou moyennes, dont les parents ont des revenus limités. Ce genre d’inconscience quant à la valeur de l’argent serait plutôt lié à une vie de frustration. En psychologie, on dit que l’argent est un moyen de dominer les autres, le dépensier cherche ainsi à montrer à quel point il domine son entourage. Quand tous autour affichent une certaine fortune, d’aucun pourraient développer un léger complexe d’infériorité. À la première rentrée d’argent, on se prouve à soi-même qu’on a les moyens de se les offrir, quitte à manger des sandwiches à rien pendant des mois…