Du haut-débit à la BD

Qu’on se le dise, Tintin et Milou ne font plus recette. Pacco et Margaux Motin : voilà les nouvelles stars de la BD.

La notoriété de ces blogueurs-illustrateurs ne cesse de croître, à l’image de la pionnière du genre, Pénélope « Jolicoeur », dont le nom voyage au-delà des frontières du web. Vous l’avez sûrement déjà entendu quelque part : en plus de son travail pour la pub et la presse, elle a écrit, illustré et publié 2 albums en 2 ans (plus de 30 000 exemplaires vendus en tout à ce jour, d’après son éditeur) dont un réédité en livre de poche, illustré une montagne de livres et dirige désormais sa propre collection de BD chez Jean-Claude Gawsewitch, à 27 ans à peine. Elle est aussi à l’origine de l’opération « Mon Beau Sapin », mobilisant de nombreux blogueurs-illustrateurs pour la Croix-Rouge à Noël dernier. Et tout a commencé sur son simple blog personnel, aujourd’hui premier de sa catégorie au classement d’influence Wikio…

Margaux Motin et Pacco, eux, se présentent comme les « evil twin », les « jumeaux maléfiques », de la blogosphère : même second degré, même légèreté apparente pour aborder des thèmes profonds, et même trait moderne et enlevé, accessible même aux néophytes de la BD. Elle, illustratrice pour la presse, la pub ou l’édition, lance son blog pour disposer d’un book en ligne, plus facile à transporter et à présenter à ses clients qu’un vrai gros carnet. Lui, après avoir publié en 2007 un premier album très réussi, déjà issu d’un blog (Fucking Karma, aux éditions Paquet) en conçoit un nouveau autour de ses relations avec sa fille Maé. Il envoie quelques présentations, mais les éditeurs n’accrochent pas. Pourtant, très rapidement, les visiteurs se bousculent sur leurs blogs respectifs. « Chez » Pacco, comme « chez » Margaux, il n’est pas rare d’atteindre les 500 commentaires par planche, tous ou presque élogieux.

Leurs visiteurs sont de vrais fans, actualisant chaque matin pour découvrir un nouveau dessin, à l’affût d’une apparition publique des blogueurs et en demande constante de dédicaces. Il était évident qu’un jour, une maison d’édition viendrait les chercher sur son cheval blanc…

Cette maison d’éditions, ce fut Marabout, une filiale de Hachette, qui lance avec leurs deux albums (« J’aurais adoré être éthnologue » pour Margaux Motin et « Maé, saison 1 : toutes les clés d’une éducation réussie » pour Pacco) la collection Marabulles. Mais elle est loin d’être la première à avoir repéré le potentiel commercial des « blogauteurs » de BD. Ainsi, Elise Vattier, directrice chez Jean-Claude Gawsewitch, l’éditeur de Pénélope Jolicoeur, se dit très attentive aux nouveaux talents de l’illustration. Et pas uniquement par amour de l’art…

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, le public est prêt à payer (environ 9 Euros par livre pour Maé Saison 1, sorti il y a à peine 2 semaines, par exemple) pour lire sur papier un contenu qu’il a, le plus souvent, déjà vu en ligne gratuitement sur le blog de l’auteur. « La présence du blog est un véritable accélérateur au niveau promotionnel. » analyse Elise Vattier. « Les lecteurs veulent tout ce qui concerne le blog et le livre est un prolongement du blog, un support matérialisé du blog. Ils sont dans une véritable démarche de fan et achètent tout ce qui sort sur leur idole » Effectivement, sur les groupes de fans, une jeune femme demande à la volée « où on peut acheter une tasse Pénélope Jolicoeur » ou « qui sait si un bavoir Maé BD existe ? »

Certains éditeurs voient ces blogs BD comme une menace pour l’édition, puisqu’ils proposent de la lecture gratuite et contournent le schéma traditionnel d’une publication. Elise Vattier pense a contrario qu’ils permettent de ramener vers le livre un public qui en est, à la base, plutôt éloigné : « Internet et le numérique touchent une population jeune qui ne va pas spontanément vers le livre et, ce qui est rassurant, c’est que ces lecteurs achètent tout de même des livres via les sites marchands notamment, ce qui prouve bien que le livre a encore toute sa raison d’être. »

Ce à quoi Pacco, ancien directeur d’une agence de communication, qui voit affluer de nombreuses propositions depuis le succès récent de Maé BD, ajoute : « Si les éditeurs s’adaptent et accompagnent cette évolution, ce sera bénéfique à plein de niveaux. » Pas macho, il rappelle que les blogs ont aussi l’intérêt d’avoir féminisé le monde de la BD, et que sa démarche, partager des anecdotes, distraire, faire rire les lecteurs, est la même, que ce soit sur son blog ou dans son livre: la générosité avant tout.


Marlène Schiappa

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