Etudiants non-boursiers : étudier ou travailler ?

Chaque année, plus de 500 000 étudiants bénéficient d’une bourse de l’enseignement supérieur. Une aide précieuse. D’autres ne peuvent prétendre à cette aide. Souvent leurs parents dépassent les plafonds des ressources. Parfois de très peu. Comment financer ses études dans ce cas ?

« Mes parents ne roulent pas sur l’or et moi non plus », lâche Nina, 21 ans, d’un air ironique. En fac de Droit à Nanterre (Hauts-de-Seine), la jeune étudiante ne peut prétendre à une bourse sur critères sociaux.  Ses parents, tous les deux, employés dans le privé, dépassent de très peu le plafond des ressources défini par le Cnous (1). En gros pour obtenir une bourse à l’échelon 0, c’est-à-dire le paiement des droits d’inscription (170 euros en licence, 200 euros en master), il ne faut pas dépasser 32 440 euros de revenus bruts annuels avec un point de charges. Avec sept échelons possibles (0 à 6), le barème des ressources est le critère principal pour attribuer ou non des bourses aux 2,2 millions d’étudiants en France. Autres critères-clés, le nombre d’enfants à charge du foyer et l’éloignement de la famille. « Je n’ai ni frères ni sœurs,mes parents travaillent tous les deux et je vis en région parisienne. Je n’ai le droit à rien, et ce bien que mes parents ne m’aident pas »,déplore-t-elle.

Selon Sylvia Lamouroux, assistante sociale au Crous (2) de Créteil, « 38 500 dossiers de bourses ont été déposés en 2009/2010 sur son secteur, Seine-Saint-Denis, Val- de-Marne et Seine-et-Marne. Près de 27 600 bourses ont été attribuées pour une enveloppe globale de 92 millions d’euros.» Pas loin de 11 000 étudiants contraints de trouver un financement, donc. Trop riches pour une bourse. Trop pauvres pour assumer seuls leurs études.

Etudier moins, travailler plus

Du coup, la jeune femme cumule en plus de ses 30 heures de cours hebdomadaires, un emploi de vendeuse dans le prêt-à-porter. « Je fais plusieurs heures par semaine plus les week-ends. Cela me permet de payer mes bouquins, essentiels en Droit mais aussi mes loisirs… » Etudiant et salarié, une situation qui tend à se développer au grand dam des syndicats étudiants.

« Ce cas de figure est problématique car il crée un sentiment d’injustice chez les non-boursiers », constate Laure Delair, membre de la Commission aides sociales de l’Unef. La plupart d’entre eux sont contraints comme Nina de prendre un emploi en parallèle de leurs études. « Or, 15 heures passées sur un job, c’est 15 heures de moins à la bibliothèque. » Avec comme risque majeur, le décrochage scolaire. « On sait maintenant que le salariat est la principale cause d’échec à l’université. »

L’Etat, à travers le Crous, a mis en place des aides spécifiques destinées aux étudiants qui échappent au barème en vigueur. Le Fonds national d’aide d’urgence (FNAU) peut être sollicité à la fois par les boursiers et les non-boursiers. Il s’agit d’une aide ponctuelle de 1 400 euros maximum, pouvant être attribuée 2 fois dans l’année. « Elle est censée répondre aux difficultés financières urgentes touchant à la santé, à l’alimentation, au logement», précise Sylvia Lamouroux.

Autre possibilité, la demande d’une FNAU dit annuel. « Son obtention est plus compliquée », souligne Laure Delair. Elle concerne uniquement les étudiants non boursiers de nationalité française. Pour la décrocher, l’étudiant doit prouver qu’il est indépendant. Déclaration fiscale autonome et fiches de paies à l’appui. «C’est bien là tout le problème.» Le FNAU annuel repose sur « la démonstration de la précarité », relève  Laure Delair. Pour être aidé, il faut étudier et travailler, voire être en rupture familiale.

« Un cumul défavorable à la réussite des études», selon le syndicat étudiant. « Ce n’est pas pour rien que nous revendiquons une Allocation d’autonomie afin de doter tous les étudiants d’un statut social. »  Mais comme le relève Sylvia Lamouroux, «le salariat étudiant est un débat de fond. » Et d’ajouter, « l’Etat peut-il pour autant pallier à toutes les difficultés sociales ? »

 

(1) Centre national des œuvres universitaires, il pilote le réseau des Crous.

(2) Centre régional des œuvres universitaires.

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