L’obscur business des cours à domicile

Prêts à tous les efforts financiers pour la scolarité de leurs enfants, les parents se précipitent sur les organismes de cours à domicile. A quel prix ? Avec quelles garanties ? Par Alice Buckler.

L’école a repris depuis quelques semaines, et avec elle le commerce juteux des cours à domicile : Domicours, Keepschool, Cours Gallien et bien sur le géant Acadomia sont prêts à vous offrir « un soutien scolaire efficace adapté à tous les niveaux », des professeurs expérimentés, pour un coût (après réduction d’impôts) dérisoire ou presque.

Qu’en est-il réellement ? Nous avons enquêté pour percer le système de fonctionnement de ces organismes de soutien scolaire…

  • Une catégorie socioprofessionnelle plutôt élevée

Afin de faciliter l’essor des services à la personne, le gouvernement a mis en place la réduction d’impôt, qui permet de déduire 50% des frais engagés. Malgré ce coup de pouce (qui ne va peut-être pas durer…), tout le monde ne peut pas se permettre de faire appel à eux : « Mon fils qui est en CM1 a des difficultés d’apprentissage, nous explique Monique, je souhaitais qu’il ait un coup de pouce. Après m’être renseigné auprès d’une agence je me suis finalement dirigé vers une lycéenne qui vient à la maison le mercredi. On la paie 8€, contre 30€ si j’étais passée par l’agence ! C’était hors budget pour nous… » En effet, on imagine bien qu’à ce tarif-là, les familles aux revenus moyens sont hors cible de ces sociétés…

  • Un recrutement bien organisé

Officiellement, le recrutement s’effectue à la licence, soit bac+3. Une garantie d’un certain niveau intellectuel pour le recruteur, un diplôme rassurant pour les parents. « Inscrite depuis ma licence, je n’ai été appelé que lorsque j’ai mentionné sur mon dossier mon admission au concours de prof des écoles», nous raconte Julie, 25 ans. Elle nous a ouvert les portes de son entretien d’embauche :

« L’entretien se déroule en deux étapes : on vérifie les informations de mon profil, puis on fait une mise en situation de 15 minutes. Le recruteur joue le rôle de l’élève et te dit qu’il n’a pas compris telle situation à l’école (pour moi c’était un exercice sur la proportionnalité), il te demande comment tu t’y prends pour que l’élève comprenne. A l’issu de cet exercice il te dit si c’est bon ou pas. Je suis allée dans une salle où il t’explique comment travaille cette agence : comment on te trouve un élève, comment tu t’y prends, comment remplir tes coupons, puis tu t’en vas et tu attends un coup de téléphone ! ».

Un recrutement plutôt bien ficelé, loin des fantaisistes petites annonces qui promettent toutes une personne expérimentée, motivée, dynamique, un profil parfois très éloigné de la réalité… Cependant, comme dans tout service à domicile, l’impression du client est aussi importante que celle du recruteur.

  • Quelle efficacité pour les élèves ?

Acadomia a mis en place à la rentrée dernière un slogan qui fait mouche : « Bachelier ou remboursé » ! Selon le Parisien, 20% des 100 000 élèves faisant appel à cette agence sont élèves de terminale. « On se positionne sur le résultat, ce que l’école ne permet pas… » explique Philippe Coléon, PDG de la société. Les clauses restrictives sont cependant assez floues, l’élève devant suivre tous les programmes, et n’avoir aucune absence…

Un professeur des écoles un peu dépité par cette marchandisation de l’éducation nous confie : « Prendre des cours particuliers ne donne pas un ticket d’entrée en classe supérieur. Cependant, travailler 2 à 3 heures par semaine en tête à tête sur ses points faibles ne peut être que bénéfique. C’est ce que tente plus ou moins de mettre en place l’éducation nationale avec les 2 heures d’aide individuelle personnalisée, mais nous ne pouvons pas rivaliser avec ces boîtes à résultats… »

  • Quelques conseils si vous êtes tentés par l’expérience

-Renseignez-vous sur le système de recrutement.

-Informez votre enfant : il doit voir ces heures de cours supplémentaires de façon positive et pas comme une punition.

-Demandez à avoir toujours affaire au même enseignant.

-Ciblez les choses à améliorer pour que les cours soient efficaces : domaines d’apprentissages, méthodes de travail, organisation…

Alice Buckler

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