J’ai testé… la mutuelle des fraudeurs

L’imagination ! Quelle invention merveilleuse ! Quand elle se joint à la qualité humaine qui s’appelle la solidarité, tout est possible. On vient d’apprendre (grâce au Parisien.fr qui a révélé l’info) que des usagers fraudeurs du métro s’unissent pour partager les frais en cas d’amende. Qui n’a jamais joué au gendarme et au voleur ? Toujours dans le rôle du voleur, bien sûr ! Mais quand on se fait pincer, fini de jouer…

Jean-Marc, 54 ans, professeur d’histoire, nous explique : « J’aime la loi mais j’éprouve un plaisir rare à frauder les transports en commun. Je ne fraude pas les impôts, je suis républicain mais les transports en commun, quel bonheur ! Je suis même étonné quand je suis en règle et que je montre mon titre de transport. C’est mon côté Gavroche. » Laissons notre enseignant à ses parallèles aventureux. Il a refusé de nous communiquer ses moyens de fraude, qu’il qualifie, aventureusement, d’« infaillibles ».

Ce n’est pas si simple, bien au contraire. Contrairement à ce que l’on croit, les transports en commun en région parisienne sont les plus sûrs, les plus efficaces et les plus rapides dans le monde. Une rame de métro toutes les 3 ou 4 minutes, on nous envie ! Pensons à Tokyo et à cette merveille touristique, les « pousseurs ».Quand les rames sont bondées, des employés poussent les passagers à l’intérieur des wagons pour faire de la place !

Le métro parisien est cher ? Certes, mais moins que celui de Berlin, par exemple, avec ses cartes journalières à plus de 6 euros, ou celui de New York à 2,50 euros, cf le Guide du Routard. « Le ticket de métro coûte 1,60 euro, la carte Navigo, plus de 50 euros par mois selon les zones. Alors que la cotisation à notre mutuelle est de 7 euros », explique l’un de ces fraudeurs organisés. « Le calcul est vite fait. On a une à deux amendes par an, c’est largement plus rentable ! »

Arno, policier belge, rappelle ce que nous avons tous vu dans les feuilletons américains : « Le métro de New York, qui fonctionne 24 heures sur 24, est le plus meurtrier du monde. » Le rapport qualité-prix du métro parisien (malgré les pseudo-musiciens qui massacrent les tympans) est très abordable ; par ailleurs, il suffit d’attendre la rame suivante quand quelque chose vous gêne.

La mutuelle des fraudeurs est une idée sympathique et drôle mais elle rencontre certains obstacles pratiques : fonctionnant pour violer la loi, comment peut-elle fonctionner équitablement ? Pour payer les amendes, il lui est nécessaire d’avoir un certain nombre d’adhérents, mais si le trésorier – non élu et illégal – part avec la caisse, comment faire ? Comment éviter l’accusation d’association de malfaiteurs ?

N’oublions pas la règle d’or : l’amende est personnelle (22 euros au minimum). On gagne sur le court terme, c’est évident. Mais l’amende étant personnelle, elle est nominale. Est-il souhaitable d’avoir son identité recensée ? La mode est au fichage, ne l’oublions pas. « Habituellement, quand j’ai une amende, je l’accepte et m’arrange pour la faire sauter. J’écris une lettre de réclamation, je dis qu’on m’a piqué ma carte d’identité, je refuse de la signer ou même j’accuse l’agent RATP d’injures sexistes ! » raconte Nadia, qui se réjouit de n’avoir jamais payé aucune des six amendes reçues ces derniers mois.

Le problème de fond est celui du prix des transports. Un problème de fond se règle sur le fond ; pas par des combines aussi rigolotes que celles que nous avons évoquées. Même si, d’après la RATP, la fraude est passée de 7,1 % des usagers en 1991 à moins de 4 % en 2006. Avec un coût chiffré à des millions d’euros, à la charge de tous… La mutuelle des fraudeurs aura donc au moins un mérite : relancer le débat sur la gratuité des transports.

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